Quand on est en quarantaine ou en isolement, le champ des possibles photographiques est bien limité. L’énergie l’étant aussi (dans le deuxième cas seulement), il ne reste que les fenêtres, ouvertes ou fermées, et ce qui se passe dans les alentours.
Ici encore, Damien Bernal a raison : un objectif de très longue focale, comme le 100-400 de Fujifilm ou un 150-600 chez Sigma ou Tamron, peut toujours servir. Durant ces temps d’hiver et d’emploi du temps très chargé, et encore plus de « confinement », c’est l’outil de choix pour m’évader de mon appartement en pleine ville. Il permet de voir plus loin et d’isoler. Ce n’est pas la première fois que je l’utilise pour prendre une vue hors du commun depuis mes fenêtres. La carte de voeux des clients de l’Atelier Digital était une vue du Balcon du Jura prise depuis la fenêtre de mon ancien bureau, avec une longue focale également.
Balcon du Jura,
Déc. 2020, X-T3 et XF 100-400 à 243 mm
En hiver, le soleil se lève plus tard et se couche plus tôt. Cela peut paraître une lapalissade mais c’est une belle réalité pour le photographe : point besoin de se lever tôt ou de veiller tard, les belles lumières sont là alors qu’il est naturellement prêt. On ne compte plus les minutes de contemplation le matin au lever des filles ou plus furtivement le soir en rentrant du travail. Un pur bonheur !
Prendre la photo
J’ai pris des clichés depuis la même fenêtre, dans la même direction, plusieurs matins ces dernières semaines. Mais ce matin-là, il y avait cette lumière particulière, ces deux cercles lumineux superposés qui rendaient l’atmosphère surnaturelle. Cadrée avec un peu de bâtiments et beaucoup de ciel, il ne manquait plus que le passage d’un ou de plusieurs oiseaux. J’en ai cliquées plusieurs, c’est celle-ci qui est restée.
Développer le cliché
Après quelques jours, par manque d’énergie plus que de temps, cette fois, j’ai enfin chargé les images dans l’ordinateur. Les couleurs étaient excellentes, prononcées sans être trop saturées, vives mais encore bien nuancées. Une richesse à ne surtout pas perdre au développement.
Sur une photo de ce genre, il y a deux zones bien distinctes :
- un ciel, coloré et lisse à souhait, sans être plat pour autant, à finaliser tout en finesse.
- une zone sombre, principalement sur le bas de la photo, dont le sujet n’est pas forcément intéressant mais qui donne du relief à l’image, surtout, qui peut être finement ciselé, les branches dénudées de l’arbre en particulier.
Au développement, il est donc nécessaire de renforcer chaque de ces éléments et non de les lisser. C’est ce contraste de couleurs et de textures qui donnera du corps à l’image. Avec la nouvelle sélection automatique du ciel de Adobe Lightroom, il est maintenant facile de séparer ces deux zones pour les travailler de manière différenciée.
Recadrer l’image
Souvent, le recadrage n’est qu’un détail de finition. Ici, il m’a donné du fil à retordre ! Recadrer une photo, c’est tenir compte de trois éléments – au moins !
- un élément technique : utiliser la règle des tiers ou du nombre d’or pour guider les yeux de l’observateur, ou les enfreindre volontairement pour provoquer une interrogation.
- un élément esthétique : proposer les « meilleurs morceaux » de la photo.
- un élément éditorial : transmettre le message que l’on veut faire passer.
Dans cette image, c’est l’oiseau qui devait être idéalement placé : il est le sens à la photo (élément éditorial). Il devait donc, de préférence, ce trouver au centre de la spirale du nombre d’or ou au croisement de lignes de tiers. Au niveau technique, les arbres, le ciel et, surtout, les cercles lumineux étaient à conserver. Je n’aime pas trop sortir des formats d’image conventionnels (16:9, 2:3, 3:4, horizontaux ou verticaux). C’est là que j’ai vraiment galéré : tenter de concilier tous ces impératifs. Finalement, c’est le 3:4 vertical qui a donné le résultat me plaisant le plus… C’est artistique et personnel. Ce découpage donne l’aspect de l’envol, avec une base foncée qui semble se dissiper (fumée) vers l’oiseau pour aller plus haut dans le ciel qui occupe la majeure partie de la photo. Le regard est guidé vers l’oiseau par la fumée.
Au final, une photographie presque banale d’un matin d’hiver, qui prend tout son sens en situation d’isolement. Voler par procuration, à défaut de rencontrer les gens pour de vrai.